Les débuts de l’internet grand public

Ayant été adolescent dans les années 90, j’ai pu découvrir les débuts de l’internet grand public. On était bien entendu loin de la vidéo à la demande, ou même des outils de communication qui ont le vent en poupe en ce moment. Retour sur ce qui se faisait à ce moment-là.

Les premières offres internet grand public en France

C’était en 1994 que les premières offres d’accès à internet pour le grand public voient le jour, par WorldNet d’abord, puis FranceNet.

De mon côté, mon premier accès internet à la maison date de 1997. A l’époque, pas d’adsl ou de fibre bien sur. Il fallait passer par un modem, et par son fameux bruit lorsqu’il numérotait et initialisait la connexion. Il ne fallait pas être pressé et le temps était compté. En effet, l’abonnement était un abonnement AOL de 3h mensuel. Communication non incluse. Car oui, à l’époque il fallait en plus de l’abonnement payer la communication téléphonique. L’interface ressemblait peu ou prou à celle-ci :

internet aol connexion 1997

Et comme cela passait par la câble de téléphone et les fréquences vocales, cela avait pour effet également d’occuper la ligne téléphonique. Donc il fallait être sûr de ne pas attendre d’appel important avant de commencer sa navigation, et négocier âprement l’accès à la ligne. Car oui, bien sûr il n’y avait pas non plus de téléphone portable, le fixe était le seul moyen de communication.

Doute sur l’utilité d’Internet et défiance au début

Internet ça ne marchera jamais

Cela paraît naturel maintenant d’utiliser internet, et on ne remet pas en cause son utilité du fait des nombreux usages qu’on en a. Mais à l’époque, au moins au début, c’était considéré comme un gadget. Sans grand avenir. Une des citations les plus connues est celle de Pascal Nègre en 2001, alors PDG d’Universal Music : « Internet ? On s’est fout ça ne marchera jamais ».

On pouvait également trouver dans les journaux des articles comme celui à-côté qui date de 2000 (« Internet est peut-être juste une passade, des millions d’utilisateurs l’ont abandonné », Daily Mail).

En Europe, il y avait beaucoup de réticences au début. Déjà, par méconnaissance. Et sans doute lié au fait que cela venait des Etats-Unis et qu’il y avait une certaine méfiance. Quelque part, les révélations d’Edward Snowden bien plus tard sur la surveillance de masse montre que cette méfiance pouvait avoir un certain fondement.
En France, c’était d’autant plus latent qu’Internet venait concurrencer le Minitel, prouesse technologique à sa sortie mais qui permettait moins de choses qu’Internet. Il aura fallu attendre 1997 pour que des choix politiques en faveur d’Internet soient faits.

Certains font d’ailleurs le parallèle entre Internet à cette époque là, et les cryptomonnaies maintenant. Car ce qui se disait à l’époque (doute sur l’utilité, méfiance) fait écho aux discours que l’on entend au sujet du bitcoin.

La montée en puissance

1997-2000

Après 1997, les choses se sont enchaînées rapidement, que ce soit en terme d’adoption et en terme d’avancées technologiques. Le nombre de fournisseurs internet ne cesse d’augmenter. De mon côté, c’est le moment où je passe chez Free qui proposait alors une offre illimitée. Il fallait toujours payer les communications téléphoniques, mais il n’y avait plus de forfait limitant la durée possible. L’année 2000 voit l’apparition d’un forfait AOL illimité, qui comprend les communications téléphoniques. Le succès est là, mais cela crée de nombreux soucis de connexion. J’avais basculé sur ce forfait à l’époque, et il était effectivement compliqué et aléatoire d’arriver à se connecter. AOL a fini d’ailleurs par être condamné en justice.

En 1999, la première offre ADSL voit le jour via Wanadoo. L’ADSL va révolutionner l’adoption en augmentant fortement les débits et en n’occupant plus la ligne. Contrairement aux modems d’avant, ils n’utilisent plus les fréquences vocales.

C’est aussi la pleine période de la bulle internet. De nombreuses sociétés se lancent. C’est également les débuts de Google (1998) et la montée en puissance d’Amazon qui entre en 1997 au Nasdaq. Les questions sur l’utilité d’Internet ne se posent plus, même si de nombreux usages sont encore à venir.

La part d’internautes en France passe de 4.3% en 1997 à 14,3% en 2000

2000-2003

Le début des années 2000 voit l’explosion de la bulle Internet. Plutôt qu’une explosion, à mon sens c’est plutôt un marché jeune qui était parti un peu dans tous les sens, et qui se rationalise. De mon côté, je vis en interne ce changement, car je travaillais à l’époque pour un fournisseur d’accès à Internet nommé Infonie. J’étais rentré pour être webmaster du moteur de recherche du groupe nommé Lokace (le tout premier moteur de recherche français pour la petite histoire) et développeur d’applications sur le portail Infonie. Si vous voulez voir à quoi ressemblait Lokace à ce moment-là, vous pouvez utiliser ce lien WayBackMachine de webarchive. En 2002, Infonie est racheté par Tiscali, qui sera lui-même racheté par Free ensuite.

En 2003, c’est l’arrivée de la première Freebox. Elle révolutionne son époque avec le triple play (la télévision, le téléphone illimité via la box et internet).

La part d’internautes en France passe de 14,3% en 2000 à 36,1% en 2003.

Ce sont également les prémices de ce qui sera ensuite appelé web 2.0, avec l’arrivée de Wikipédia, Linkedin et Facebook entre autres. Internet prend alors un autre virage, avec ses avantages et ses inconvénients. On passe du web statique au web collaboratif. Mais l’espace qui était au départ un monde de liberté complète, centré majoritairement sur le partage de connaissance va devenir un espace où la vie privée commence à être mise à mal.

Mais nous aurons l’occasion d’aborder la suite dans un autre article.

 

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